Des points de passage obligés dans le Sud
Chers tous,
Comme cela devient presque une habitude voici lédition intermédiaire du Canard du Vendée. Aujourdhui je vous parle dune règle de course : les portes, points de passage obligés dans le Sud. Cela vous paraît être un détail ? En fait cela ouvre un vrai débat de fond sur « lesprit du Vendée Globe ». Petit tour dhorizon sous la forme thèse/anti-thèse/synthèse.
Bonne lecture.
1) Qu'est-ce que les portes ?
Un dessin valant mieux qu'un long discours, ...
Légende si vous ne comprenez pas tout : une porte est une zone séparant 2 points distant de 400 miles, les coureurs doivent passer cette marque de parcours un peu comme en ski. Pour être exacte chaque coureur doit être relevé par le comité de course au moins une fois au Nord de chaque porte.
2) Objectif du comité de course : la sécurité
La direction de course a décidé de ces portes cédant ainsi au souhait des autorités australiennes qui avaient été très sollicitées en 1996 avec les sauvetages de Dinelli, Bullimore et Dubois. « Pour qu'un avion puisse décoller d'Australie, vienne survoler et éventuellement porter assistance à un navigateur en difficulté, il faut, pour des raisons d'autonomie de l'avion, que ce concurrent soit à moins de 1.000 milles des côtes. »
3) L'avis des coureurs
A la quasi-unanimité, les solitaires ont très peu apprécié ce changement de parcours, dévoilé à cinq jours du départ ! Extraits avant le départ.
Marc Thiercelin : « Cette décision de rajouter des portes casse mon Vendée Globe. Je suis très déçu car ça remet en question l'esprit dans lequel j'avais envie de courir » « Ça nous obligera à aller dans des zones météo dépressionnaires, pas intéressantes. Mes propos ne sont pas ceux d'un irresponsable, mais j'ai la désagréable impression que l'on est en train de casser notre rêve de marin. Où est l'aventure et l'esprit de liberté du Vendée Globe ? »
« C'est maintenant une course très différente », s'est contenté de déclarer Mike Golding (Angleterre).
Dominique Wavre (suisse) : « Notre sens marin est nié. De plus, cette année, les organisateurs nous blindent de matériel de sécurité car ça les rassure. Cette dérive est inquiétante ».
Roland Jourdain a jugé cette décision « scandaleuse sur la forme. Sur le fond, on n'a pas d'autre choix que de l'accepter » (il est membre actif de la class Imoca qui regroupe tous les acteurs (skippers, sponsors, architectes,
) du monde de la course en monocoques 60 pieds open).
Alors là les média qui nous hurlent à longueur de journées que le Vendée Globe cest une « simple régate autour du monde » en sont pour leurs frais ! Je nai jamais entendu de régatier discuter sur les positions de bouées mouillées pour définir le parcours
il sagit bien dautre chose. Dans le Vendée Globe il y a
une part de rêve, une course contre soi-même, une quête de liberté (« Homme libre toujours tu chériras la mer » à écrit Baudelaire).
Nick Moloney (seul Australien engagé) : « Personne n'a envie de mourir : mettre en danger la vie des sauveteurs n'est pas une bonne chose. Avec sa situation géographique, l'Australie est logiquement en première ligne. Mais tous les sauveteurs en mer du monde auraient réagi de la même manière. Ils disposent tous des mêmes avions, avec la même autonomie en kérosène. Cette course a une telle âme, qu'importe son parcours. S'il fallait aller virer les îles Tonga (au nord de la Nouvelle-zélande), et bien j'irais ».
4) Versions officielles via les communiqués du comité de course
« Plantée au milieu des quarantièmes rugissants, se trouve une porte. Un garde-fou plutôt. Puisque lobjectif, à la demande des coureurs dailleurs, est dempêcher la surenchère du risque, à savoir raccourcir la route le plus possible en frôlant lAntarctique et donc les glaces qui traînent dans les parages. » Ce n'est même plus de la langue de bois c'est carrément de la désinformation !!!
Cette semaine (5ième semaine de course et entrée effective de toute la flotte dans l'Océan Indien) on pouvait lire sur le site officiel le communiqué d'autosatisfaction suivant :
"Linstauration de « portes » - portes mise en place afin de limiter au maximum le risque de rencontre avec les growlers et autres icebergs - avait déclenché un début de « polémique » lors de leurs présentations peu avant le départ des Sables dOlonne. On saperçoit aujourdhui que le passage de la porte n°1, située à louest de lAfrique du Sud, na gêné aucun skipper. Tous sont passés naturellement dans son nord.
5) L'avis de Michel Desjoyaux vainqueur du dernier Vendée Globe
« 80 % des routes des précédents Vendée Globe passent très proches ou au nord des points de passage obligés dans le Sud. Si ceux qui ne veulent pas de ces points de passage et de ce terrain de jeu balisé, acceptent que personne ne vienne les chercher dans les mers du Sud s'ils se mettent en vrac, à ce moment-là, on peut réinventer les jeux du cirque. Il faut savoir que dans les mers du Sud, il n'y a quasiment que les concurrents du Vendée Globe qui sont là à ce moment-là et que la sécurité de chacun est assurée collectivement par d'autres. Si quelqu'un a envie de faire le fou et qu'il se rate, c'est un de ses camarades, qui lui n'a pas envie de faire le fou, qui peut être amené à aller le récupérer. A ce moment-là, l'intérêt collectif veut que l'on ne joue pas... Ce n'est que du bon sens ! »
6) Le mot de la fin
Roland Jourdain (qui court pour la gagne !) « Ceci dit, nous avons tous les mêmes marques à virer, donc on fera tous la même course ».