Virages multiples au Cap Leeuwin : mi-course et lancememt blog (édition 7)

Publié le par Nam

Chers tous,

 

         Nous sommes à la mi-course et ce week-end j'ai travaillé d'arrache pied pour transformer la news letter Nam en un vrai site Web, un blog en l'occurrence, aller voir : http://nam.over-blog.com  

         Pourquoi ? Ce serait très long à expliquer mais en gros je me suis dis que quitte à passer du temps à rédiger des articles pour partager le Vendée Globe avec vous; pourquoi ne pas essayer d'élargir l'audience avec un autre outil que le mail ? Par ailleurs j'ai depuis le début de la course pu "capter plusieurs signaux" qui prouvent que certains Internautes ne trouvent pas leur compte dans la "version officielle" du Vendée Globe telle que présentée sur le site de l'organisation ou à travers les médias traditionnels. Alors je me suis dis, après 1 mois et 1/2 de frustrations si ces gens existent vraiment et ne sont pas trop avares de leur temps : peut-être arriverons-nous à nous rencontrer et à échanger ? Je fais l'effort de construire un blog, voyons si d'autres personnes sont motivées pour "vivre et faire vivre la version off du Vendée Globe 2004". Voilà, une nouvelle aventure commence, je m'engage à ce qu'elle dure jusqu'à l'arrivée du dernier des concurrents. Néanmoins la news letter hebdomadaire reste en service sur http://www.domeus.fr/groups/nam.

         Place maintenant aux nouvelles de la course par forcément fraîches de la dernière minute (on ne peut pas être partout !), mais comme d'habitude "rafraîchissantes". Au menu de ce numéro : point sur les abandons, la peur de ma vie (par Nick Moloney), Jean-Pierre navigue à l'huile de coude, explications sur la figure libre la plus courante dans le sud : le départ à l'abattée et enfin le retour de notre bientôt célèbre chronique "en bateau à voile on ne va toujours pas où l'on veut !".

Bonne lecture,

 

 

Le point sur la course et les abandons :

Nous sommes à quelque chose prêt à la mi-course, la tête de la flotte franchit le second des 3 caps à laisser à droite : après Bonne Espérance, c'est maintenant au tour du Cap Leeuwin (Australie), enfin viendra le tour du Cap Horn. Voici donc un petit point rapide sur les rescapés et les hors-jeu.

- 1ière escale forcée et donc éliminatoire, puisque la course est sans escale, à Cap Town (port sud-africain à 2 pas du Cap de Bonne Espérance) pour les trois concurrents à avoir abandonné et regagné la terre: Hervé Laurent, Alex Thomson et Norbert Sedlacek. Ces 3 là n'aurons même pas eu le plaisir de surfer dans le Sud, la déception doit être terrible.

- Depuis vendredi Roland Jourdain se dirige à son tour vers la terre pour cause de bris du haut de sa quille. Bilou était l'auteur d'une magnifique remontée sur les 2 premiers, rien que cette semaine il est descendu très bas bravant les icebergs et est passé dans le Sud des îles Kerguelen affrontant le plateau du même nom qui lève un mer hachée. Il a commis une petite erreur dans la descente de l'Atlantique avec l'équateur, et depuis il se démenait pour revenir au contact des 2 leaders échappés, là où il avait sa place ... Tous ses efforts ont été ruinés par 'une pièce de carbone' comme il dit. En dehors de ces dernières semaines de course-poursuite, un projet comme celui là c'est plusieurs années de travail, dans son cas je serais même tenter de dire 4 ans de travail depuis le précédent Vendée Globe qu'il avait terminé 3ième derrière une certaine Ellen. Il revenait pour la gagne. Pas facile la vie de marin ! J'ai prévu un article sur le bonhomme et son avarie, surveillez le blog.

- Les autres concurrents restent en course et connaissent toujours des fortunes diverses, bien rares ceux qui n'ont pas à déclarer de pépins, sans parler des avaries qu'ils taisent par stratégie-intox et que nous apprendrons plus tard !

Pour info, voir la carte, le cap Leeuwin que les concurrents sont en train de franchir ne marque même pas l'entrée dans la seconde moitié du Sud.

 

 

Nick Moloney (Skandia) c'est fait très très peur ...

Au coeur d'une dépression, Nick a affronté des conditions dantesques (mercredi 15 décembre 2004)

« Dans ma vie, j’ai déjà pris de sacrés coups de vent et accumulé un bon paquet de milles (NDLR : une Whitbread en 1997-98 et un Trophée Jules Verne victorieux avec Bruno Peyron à bord d' « Orange » en 2002), mais je n’ai jamais, jamais, rencontré de telles conditions. La mer était tout simplement énorme et je n’avais plus de solutions. D’habitude, il y a toujours un échappatoire : la possibilité de réduire la voilure et orienter le bateau pour le préserver… Tout se passait bien, je naviguais juste avec la trinquette par 65 nœuds de vent. Mais les vagues déferlaient comme sur la côte... Je n’exagère pas. La partie blanche de l’écume qui déferlait devait faire six mètres de haut !

Je savais que la situation était critique. J’ai réellement appelé ma famille pour leur dire au revoir. J’étais persuadé que j’allais payer le prix fort. A quatre reprises, j’ai bien cru que c’était la fin. Les vagues cassaient dans tous les sens. C’était la loterie. Si une vague m’emportait… J’étais à l’intérieur quand, bang, le bateau a été heurté par une grosse vague. On s’est fait retourner mat sous la surface de l’eau (Nick pense qu’il a atteint un angle de 130°). C’est arrivé très vite. J’ai cru toucher le fond. Le matériel volait sur le plafond, les claviers, la cuisinière… Tout volait à travers. Le bateau s'est redressé et tout m'est retombé dessus. J'étais sonné. Je n’avais ma combinaison sèche qu’autour des jambes. Je suis sorti en courant sur le pont, le bateau avait empanné et gîtait à 60°. J’étais sur le pont et je me suis dit qu'il ne fallait pas rester sur dehors au risque d'être emporté par une déferlante.  Je suis vite retourné à l’intérieur. J’ai vraiment cru que l’une de ces vagues avait mon nom inscrit sur elle et que je ne pourrais rien y faire. C’était fou… Les deux girouettes en tête de mât ont été arrachées. J'essaie d'en fixer une de secours à l'arrière pour faire marcher les instruments du bord, le pilote notamment. Je vais essayer de manger quelque chose, mais il me faut dŽabord trouver les boîtes de nourriture. »

Rien à ajouter, ne jamais oublier que la mer est la plus forte. En bateau on compose avec les éléments rien d'autre et on finit toujours par rencontrer ses propres limites. Pour un plaisancier moyen comme moi des conditions limites ça commence avec 25 noeuds de vent, 3 m de creux, une eau à 12°C, sur un bateau en parfait état de marche et en équipage ! Pour avoir une idée des conditions rencontrées par les concurrents dans le Sud voici 2 photos de vagues prises du bord. Si vous voulez en savoir plus sur ces départs à l’abattée si fréquents dans le Sud, lisez le paraphage ‘figures libres’ ci-dessous.

 

 

 

Lire aussi le récit vu de la terre sur : http://nam.over-blog.com/article-45248.html

 

Jean-Pierre Dick sans énergie

Quand y a plus de moteur et bien il n'y a plus d'électricité (voir article précédent). Et quand il n'y a plus d'électricité, c'est l'huile de coude qui la remplace.

"Tout est dur à bord. Je dois faire à la main les manœuvres qui se faisaient auparavant électriquement. Il me faut environ 150 coups de manivelles pour mettre la quille au vent lorsque j’empanne. Je dois pomper une centaine de fois pour faire un litre d’eau douce avec le dessalinisateur à main. Pareil pour la pompe de cale ou le ballast. C'est très dur de barrer plus d’une 1h30 d’affilée. Il faut vite se réchauffer. L’électricité est importante, et quand il n’y en a plus, il faut faire sans."

La tâche n’est pas facile mais il reste confiant Jean-Pierre « Je suis assez optimiste sur mes chances d'arriver aux Sables-d'Olonne uniquement avec mes panneaux solaires. Il va falloir que je barre au moins 4 à 5 heures par jour, surtout en sortie de nuit... ». Ben oui les panneaux solaires ça marche surtout le jour, heureusement qu’ils sont dans l’hémisphère Sud en plein cœur de l’été : les journées sont plus longues.

 

Figures libres

Dans le sud, lors des vacations les coureurs font souvent état de vrac, départ au tas ou à l'abattée, ou encore "je me suis retrouvé sur la tranche après un empannage". Bon en fait il leur arrive quoi ? Petit cours : 1. illustration 2. explications.

Illustration numéro 1 : Jean Le Cam à cheval

Jean Le Cam (Bonduelle) revient avec forces éclats de rire sur un départ à l’abattée survenue il y a trois à quatre jours. « Un stand-by à l’horizontal d’au moins 10 minutes. J’ai roulé la trinquette en étant à cheval sur la colonne du moulin à café… J’étais sous 3 ris/trinquette, avec 60 nœuds de vent bien tapé. Je ne savais plus comment faire. Une fois à l’horizontal, j’ai dit ouf…».

Pour bien comprendre voici 2 photos du moulin à café de Bonduelle qui en position normale trône bien droit dans le cockpit.

Illustration numéro 2 : Patrice Carpentier (VM Matériaux) les voiles posées sur l'eau

« Il m’est arrivé un truc bizarre il y a deux nuits. Le bateau est parti en vrac à l’abattée et il est resté couché sur la tranche à plus de 90°. Ma grand-voile était posée sur l’eau. C’est difficile de se déplacer dans un bateau couché à 90°. Je n’arrivais pas à renvoyer ma quille de l’autre côté. Du coup, je suis sorti pour enrouler le génois, mais cela n’a pas suffi. La manœuvre n’était vraiment pas évidente, car le winch de l’écoute de génois était au-dessus de ma tête. Il fallait faire de l’escalade dans le cockpit. J’ai fini par reprendre la bastaque au vent et choquer celle sous le vent. Cela m’a quand même pris une heure et demie pour remettre le bateau droit ! » Patrice reconnaît que les conditions, 27 nœuds de vent, n’avaient pourtant rien d’exceptionnel pour le coin.

Explications (article technique niveau 2-confirmé)

Le départ à l'abattée est une figure très classique au portant quand il y a de la mer, en voici le déroulement type.

Le bateau navigue grand-voile débordée d'un côté disons à gauche (c'est à dire à bâbord, soit tribord amure ! ... bon aller j'essaye de faire plus simple ...). Puis sur une vague, à cause d'une mauvaise anticipation du barreur ou du pilote, ou à cause d'une saute dans la direction du vent, d'un safran qui lâche ... (bon y a plein de mauvaises raisons, la liste n'est pas exhaustive), le bateau change de direction, la grand-voile prend le vent à contre et traverse violemment le bateau de gauche à droite dans notre cas (pour ceux qui étaient entre Sein et Concarneau à bord de l'Alliance, pour une croisière mémorable, rappelez-vous votre capitaine assis dans le cockpit avec une chaussette sur la tête pour comprimer sa blessure qui se soldera par 3 points de sutures, à la suite d'un empannage involontaire de ce type) ... bon je digresse. Je disais la grand-voile et la bôme passent violemment de l'autre côté, cette manoeuvre volontaire ou non s'appelle "empanner". Résultat quand la mer est grosse et que le vent souffle : le bateau sur son élan se rapproche de l'axe du vent, peut se coucher sur l'eau, mat à l’horizontale ...

 Comment sortir de cette figure ? Rentrer de la toile est la solution la plus fiable, mais il existe des alternatives : basculer la quille, attendre qu'une vague plus grosse que la précédente vous remette à l'endroit ...

Les dégâts possibles :

- le pire c'est l'homme à la mer : se faire faucher par la bôme (ce qui est arrivé à Tabarly à bord de Pen Duick en mer d'Irlande) ou perdre l'équilibre et passer par dessus bord (le mouvement peut-être très violent et pour un peu que vous soyez en train de faire le guignol, genre manoeuvre sur la plage avant avec les paquets de mer ...)

- la blessure (exemple trépanation de votre serviteur sur l'Alliance) ou encore la langue de Bertrand de Broc dans un précédent Vendée Globe.

- les dégâts matériels eux aussi sont légions dans ce type de manoeuvre, je n'en citerai que quelques uns : démâtage, bris du vit de mulet, chariot de grand-voile arraché, bris de latte ou déchirure de grand-voile ...

Bref si on peut faire sans c'est beaucoup mieux.

 

 

Dans la série "en bateau à voiles on ne va pas toujours où l'on veut"

Voici 3 nouveaux épisodes de cette série commencée dans une édition précédente

Tout d'abord les zigzags volontaires au portant.

Vincent Riou (PRB) « Nous venons de passer la nuit à flirter avec la dépression. On va ouvrir les écoutes au fur et à mesure. Le seul problème est que nous allons être obligés de faire des zigzags ».

Les marins vont être obligés de « tirer » des bords de largue pour faire cap à l’est, l’allure de plein vent arrière étant depuis longtemps proscrite sur ce type de bateau. « L’idéal, c’est quand nous sommes entre 110 et 130° du vent réel, avec 2 ris dans la grand-voile, trinquette et 28 à 35 nœuds de vent. Là, cela glisse tout seul, en toute sécurité et je sais que battre le record de 460 milles en solo sur 24 heures ne pose aucun problème avec ce type de conditions ».

Et toujours le grand classique mais dans le Sud cette fois, on complique un peu la tâche avec le vent du coin.

Dominique Wavre (Temenos) "Hier, j’ai chopé des grandes algues de 50 mètres de long. J’ai dû faire une marche arrière par 35 nœuds de vent !"

Le Sud, vous avez "dessert" liquide ?

Oui mais faut quand même pas pousser et se fier aveuglement au GPS qui propose une route toute droite; vous risquez des surprises ! Un grand classique en croisière. Et au fait, ils signifient quoi les symboles sur la carte ?

Nick Moloney (Skandia) "JŽapproche des îles Crozet donc je mŽattends à avoir des plus grosses vagues avec les hauts fonds. JŽessaie de passer dans leur nord. CŽest un peu frustrant. Je ne mŽattendais pas à butter devant un groupe de cailloux dans les Mers du Sud ! "

Publié dans Vendée Globe 2004

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