Dialogue avec Vincent Riou : commentaires sur le plaisir, la préparation, l'énergie et l'assistance

Publié le par Nam

Comme promis hier voici les propos de Vincent Riou (PRB) agrémentés de mon éclairage personnel.

 

Pour rappel : les propos de Vincent Riou sont issus d'une sélection d'un chat qui a eu lieu en direct sur le site du Monde (in LEMONDE.FR | 11.02.05 | 17h37)

 

 

Conseil à un débutant

 

Piper28 : Félicitations Vincent, quelle performance ! Quel est le plus important, ce sur quoi un débutant devrait se concentrer ?

 

Vincent Riou : Le seul conseil que je puisse donner aux marins, c'est de faire des navigations à leur niveau de pratique, afin qu'ils gardent toujours l'aspect plaisir dans le bateau et dans la voile.

 

Commentaire Nam : tiens tiens ça fait étrangement écho à ce que je reproche tant à la grande Lady Ellen.

 

 

Mon secret : la préparation

 

Coucou : Vous avez dit que vous feriez tout pour éviter de monter dans votre mât. L'avez-vous réellement évité ? Quelle fut la situation la plus limite que vous avez vécue ?

 

Vincent Riou : Non, je ne suis jamais monté au mât pendant la course et je dois être l'un des seuls. Pour ce qui est des situations critiques, je ne pense pas en avoir vécu pendant ce tour du monde ... La préparation du bateau et du bonhomme. Une grosse partie de la réussite est là.

 

Commentaire Nam : ça se confirme monter dans le mat c'est vraiment la hantise des marins, Mike l'a assez dit lors des ruptures à répétition de ses drisses pourtant lui qui est un ancien pompier pro la montée à la grande échelle ça le connaît ! A l'opposée de Vincent le record du nombre d'ascensions doit être détenu par Conrad H. Bon c'est vrai que c'est en forgeant que l'on devient forgeron : sa première ascension il l'a fait en course mais tranquille au mouillage près de Cap Town et depuis ... les occasions de remonter sur cette perche de plus de 25 mètres n'ont pas manquées pour le gaillard (pour aller plus loin lire la Note de bas de page 1)

 

 

Energie renouvelable

 

Sloup : Que pensez-vous d'interdire les énergies autres que renouvelables (solaire, etc.) pour ajouter un défi technique, écologique et relancer la compétition ?

 

Vincent Riou : Moi, je n'ai rien contre.

 

Commentaire Nam : chouette si les marins sont OK ... reste plus qu'à se donner les moyens !

 

 

Assistance

 

Leonjo : Sans rien retirer à votre exploit remarquable, ne pensez-vous pas qu'être en contact permanent avec une équipe logistique dénature un peu le mythe de la course en solitaire autour du monde ?

 

Vincent Riou : Je ne pense pas, même si j'étais personnellement très peu en contact avec mon équipe, car j'ai voulu faire ce tour du monde en autonomie. Les contacts les plus nombreux que j'ai eus ont été avec ma famille ... Ils m'ont encouragé en gardant le moral pendant ces 87 jours.

 

Commentaire Nam : La seule vraie assistance que l'on peut reprocher aux marins du Vendée Globe 2004 ... c'est l'assistance morale de leurs proches, assistance permise par les moyens de communications modernes. Assistés dans leur navigation ils ne sont pas ! Mais solitaires ils le sont de moins en moins ! Quelle (r)évolution, quel contraste par rapport à un Bernard Moitessier qui a fait un tour du monde 1/2 lors du Golden Globe en 1968 et pour qui le seul mode de communication avec ses proches : c'était d'expédier des bouteilles sur les cargos ! Voilà ma contribution au débat de l'assistance sur lequel certain d'entre-vous me pressaient de me prononcer, débat houleux. Mon avis est sans équivoque : le slogan du Vendée Globe est "autour du monde, en solitaire, sans escale, sans assistance", ce principe mythique est respecté à la lettre pour tous les points sauf le dernier, l'assistance. Le mot est là pour nous préciser qu'il n'y a pas de routage météo depuis la terre, cette assistance "intellectuelle caractérisée". Mais ce terme de routage n'étant pas 'compréhensible' du grand public il a été remplacé par un 'sans assistance' plus vague. En fait assistance il y a grâce aux incontournables moyens modernes de communications ... mais cette assistance n'est significative que dans un domaine : celui de l'assistance psychologique. Une fois le vocabulaire clarifié, je ne trouve rien à y redire.

 

 

Note 1 : hommage à Conrad et à ses ascensions répétées ...

Conrad est devenu un vrai gabier digne de la marine en bois grâce à ses ascensions répétées et je sais de quoi je parle car j'ai fait un séjour sur La Goélette aviso La Recouvrance au départ de Brest, je n'ai bien sûr pas pu m'empêcher de grimper au mat via les enfléchures ... émotions garanties !

 

Comme beaucoup de skipper Conrad avait prévu le coup : la grand-voile d’Hellomoto est équipée de sangles au niveau du guindant pour faciliter l'ascension. Sangles qui permettent de se tenir et de glisser les pieds.

 

le mat, les barres de flèche style thonier et les sangles 'échelles' dans la grand-voile de Joé (Arcelor est très proche en 'design' d'Hellomoto)

 

Lors d'une ascension, épuisé, Conrad était dans l’incapacité de redescendre le long du mât et il avoue avoir « pété les plombs », remettant sa réparation à plus tard, c’est finalement en glissant le long du hauban qu’il est descendu. Pour rappel sur Hellomoto comme sur Bonduelle, Arcelor ou d'autres bateaux le hauban est tenu écarté de la coque d'une bonne 1/2 douzaine de mètres par d'immenses barres de flèche partant du pied de mat ... donc une fois en bas on n'est pas encore 'sur' le bateau !

 

Hellomoto à l'arrivée ... ça vous tente de vous mettre ou bout de la 'perche' ?

 

Et juste pour enfoncer un peu plus le clou je garde en tête une image symbolique de Lady Ellen lors de son récent record autour du monde ... elle était en train de grimper au mat pour réparer son chariot de grand-voile arraché (lors de sa remontée très mouvementée de l'Atlantique). Tout son tour du monde était résumé sur son visage : la difficulté 'ponctuelle' de l'ascension comme la dureté globale de sa performance pendant 71 jours, elle avait les yeux 'hallucinés', d'énormes gouttes de sueur perlaient à son front juvénile coiffé d'un casque à l'épreuve des balles ... malheureusement je n'ai pas retrouvé la photo sur le Net ... si quelqu'un tombe dessus je suis preneur.

 

Enfin pour explorer ce sujet de l'ascension au mat sous un dernier angle, je vous conseille la lecture de l'astuce d'Anne Liardet sur le blog (http://nam.over-blog.com/article-35142.html ).

 

 

Publié dans Vendée Globe 2004

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N
OL tu ne délires pas du tout et je vous propose, si vous le souhaitez, de continuer le sujet sur le forum qui est plus approprié pour les échanges http://gensdemer.free.fr/forum/viewtopic.php?p=5932#5932  
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O
Bonjour Nam,<br /> <br /> Je ne sais pas grand chose des textes exacts du vendée et tout ce que je connais par moi-même comme routage c'est la règle de Cras. Donc j'écris sous ton contrôle.<br /> <br /> Quand Riou reçoit les images satellites avec son décodeur embarqué, c'est "accessible à tous", bien que payant : le contraire me ferait mal au sein. A 500000 euros le satellite, c'est un peu logique. <br /> "gratuit" et "accessible à tous", c'est donc bien distinct. Le métro, il est "public" mais pas "gratuit".<br /> <br /> Les images des satellites radar micro-ondes qui donnent l'état de la mer et permettent de calculer le vent qui le provoque, elles sont en se sens "publiques". je me dis que si Riou a droit aux images satellites, il a droit à bien d'autres choses encore.<br /> <br /> Ce qui manque juste et qui va pas tarder à arriver, c'est un bon gros logiciel qui va récupérer tout ça automatiquement et qui va encore améliorer la qualité de la nave. Et ce logiciel, que sa puissance de calcul soit embarquée ou déportée à terre, c'est un peu un détail. De toutes façons, derrière une image satellite, il y a déjà une énorme puissance de calcul. le vrai débat n'est donc pas là.<br /> <br /> Limiter le carburant, ça serait en revanche une chouette idée. Ca fairait progresser l'industrie des panneaux solaires. ca ferait faire éclore des projets sympas. comme les panneaux solaires souples, qui coutent encore la peau des fesses mais qui se démocratiseraient peut-être si tous les voileux devaient en tapisser toute leur grand-voile pour avoir du jus. Je délire là ? ah bon ;-) Ciao alors ;-)
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G
Le routage météo "interdit" est devenu en effet une stupidité . Les informations reçues à bord sont désormais les mêmes que n'importe quel routeur à terre . Reste au marin à apprendre à les interpréter , ce qu'ont fait entre autres Riou, Le Cam et Josse avec Bernot.<br /> Rien de changé sur le Vendée . Pas d'assistance mécanique , pas de pièces de rechange , pas d'escale sur catway . <br /> L'assistance "psychologique" de la famille , des amis , par téléphone , est un bienfait du progrès et n'a rien de répréhensible à mes yeux . Si Moitessier avait eu un téléphone à bord , il aurait téléphoné !<br />
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N
Petites précisions par rapport à ta réaction OL.<br /> L'abonnement au jeu de données dont tu parles pour le routage est 'illicte' : les sources d'infos utilisées par les concurrents doivent être 'publiques', c'est-à-dire accessibles sur Internet par tout un chacun !<br /> Par ailleurs sans rentrer dans du pinaillage de vocabulaire je distingue :<br /> - l'escale où le skipper seul fait le plein de gas-oil ou va faire ses courses à terre<br /> - l'assistance 'physique' où pour tout pb mécanique le skipper reçevrait du matériel ou ... un coup de main.<br /> (Ces 2 points sont clairement interdits par les règles de course)<br /> - et enfin l'assistance 'intellectuelle' (morale ou technique), assistance qui est effectivement toujours en balance à cause des évolutions technologiques. Il s'agit aujourd'hui des liaisons avec les préparateurs ou les communications avec la famille, cette dernière revêtant manifestement plus d'importance pour Vincent Riou.
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O
Nam nous dit que le "sans assistance" se résume au "sans routage météo". Je ne vois pas les choses comme ça. Je dirais que l'essence du sans assistance est matérielle : pas le droit de faire du ravitaillement, (eau, bouffe, médocs, gasoil, pièces et voiles de rechange). Ca, c'est tangible et facile à comprendre.<br /> <br /> Pour le routage, les frontières sont plus floues. La puissance de calcul embarquée à bord d'un 60'' est celle d'un super-calculateur d'il y a 10 ans. Les données accessibles à bord aujourd'hui (dont des données de satellites qui mesurent en temps quasi-réel la hauteur et la direction des vagues ainsi que sa température sur tous les océans du monde) n'existaient tout simplement pas il y a 10 ans et ne pouvaient donc être approximées que par des cabinets de routage. <br /> <br /> Finalement, ce que, il y a 10 ans, on ne pouvait avoir qu'en louant les services d'un expert humain, ce qui était considéré comme de l'assistance, on peut l'avoir aujourd'hui en achetant un abonnement à un jeu de données qui alimente l'ordinateur de bord, ce qui est licite. Cette frontière ne va pas cesser d'évoluer et c'est pour cela que je dis que l'interdiction de routage météo n'est pas essentielle, au sens éthymologique. Ce qui est essentiel et qui le restera, c'est que quand le genak éclate, il y a plus de genak.
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