Le mot juste

Publié le par Nam

Cet article est une petite réflexion sur la difficulté de trouver le mot juste dans la communication. Pas facile de relater ce qui se passe sur l'eau, pour moi, comme pour les écuries des coureurs, l'organisation officielle voire l'ensemble des médias. Il faut éviter les extrêmes. En simplifiant le message à outrance on dénature complètement l'information parfois jusqu'à la rendre inexacte ! Au contraire en voulant être le plus précis possible on peut finir par noyer voire rendre incompréhensible l'évènement décrit. Entre ces 2 tendances faites votre choix ...

 

Pour éviter ces écueils il n'y a à mon sens qu'une seule parade : connaître un tant soit peu le public auquel on s'adresse ... c'était l'objectif de mon appel au secours dans l'article le blues du bloger. Cet appel a été entendu et à la lumière de vos réponses je peux maintenant plus sereinement adapté le 'niveau' de communication de ce blog.

 

Voici 2 illustrations prises dans l'actualité récente du Vendée Globe d'une simplification à l'extrême de l'information. Dans ces 2 exemples, faute d'avoir employé le mot juste, l'évènement est selon moi dénaturé.

[Je tiens à préciser à toute fin utile que je ne parle ici bien sûr qu'en mon nom propre et la 'justesse' d'un mot ne peut s'apprécier qu'au regard de la sensibilité subjective de chacun. Un mot peu sembler juste pour un public particulier mais peut ne plus l'être du tout pour un autre public dont je suis et dont vos témoignages me laissent penser que vous êtes aussi (?)]

 

 

Pour Jean-Pierre Dick le mot juste en question c'est "réparer" (à propos de sa bôme)

 

Extraits des communiqués officiels :

- Jean Pierre Dick (Virbac) a réparé sa bôme et va pouvoir bientôt hisser à nouveau sa grand-voile.

- Réparation réussie pour Jean-Pierre Dick. Sa bôme est de nouveau en un seul morceau.

 

Notez le 'cagnard' Virbac pour protéger la réparation de fortune des agressions extérieures (UV du soleil, sel ..)

 

Pourquoi "réparer" n'est pas selon moi le mot juste ?

Jean-Pierre n'a pas été épargné par les avaries, il a fait front d'une manière remarquable à chacune de ces (ses) fortunes de mer, la dernière en date n'étant pas la moindre. Et moi quand j'apprend comme ça en 2 lignes "ça y est c'est réparé" ... ça me fait bondir ! Ce qu'il a fait le JP sur sa bôme c'est tout sauf une réparation

... et je vous explique ci-dessus pourquoi je trouve que le mot 'réparation' n'est pas très adapté pour décrire les actions menées par Jean-Pierre, et en quoi selon moi l'adjectif 'réparé' est un peu court pour qualifier la nouvelle bôme de Jean-Pierre -;).

 

Tout d'abord il n'y a pas de réparation à proprement parler. En effet quoi de comparable entre ce qu'a fait JP et le travail de votre garagiste pour changer une pièce défectueuse sur votre voiture ? Le gars il a plutôt bricolé une solution, avec les moyens du bord, beaucoup de sueur, pas mal d'imagination, une persévérance qui me laisse coi. Bref c'est tout sauf une action planifiée de remplacement d'une pièce cassée par une autre, ce qu'évoque le mot réparation !

 

Mais il y a pire selon moi. Ce mot réparation, surtout lorsqu'on y accole les mots ci-dessus (bientôt hisser à nouveau sa grand-voile / sa bôme est de nouveau en un seul morceau) laisse imaginer au grand public que ça y est tout est rentré dans l'ordre, l'avarie n'est plus qu'un mauvais souvenir, le bateau est à nouveau à 100% de ses capacités. Ben bien-sûr c'est tout sauf vrai, vous n'imaginez quand même pas que Jean-Pierre vit un conte de fée, et qu'il a bénéficié d'un tour de magie, par quel miracle son bateau serait-il maintenant réparé c'est-à-dire comme neuf ? Balivernes l'engin va mieux mais il est blessé, il faudra être prudent jusqu'aux Sables (il lui reste tout de même à parcourir d'une traite l’équivalent de 3 transats !). Jean-Pierre a mis en place une solution temporaire, la réparation aura lieu à l'arrivée dans un chantier naval. D'ici là un nouveau mode d'emploi va être à inventer au jour le jour avec ce bricolage de fortune; d'ailleurs Jean-Pierre nous le fait bien sentir lors d'une vacation :

Jean-Pierre Dick (Virbac) « Ça y est, je navigue avec la grand-voile ! Quel plaisir de voir cette voile en l'air. Cela représente dix jours de travail ! Ma réparation semble fonctionner. Maintenant que la bôme est plus courte, je ne pourrai naviguer au près qu'avec un seul ris, mais peut-être avec toute la toile au portant. On verra ... »

 

Enfin pour ramener cette réparation à sa juste valeur, souvenez-vous de Patrice Carpentier (VM Matériaux) lui aussi avait 'réparé' sa bôme et finalement sa réparation n'a pas tenue : il a été contraint à faire escale en Nouvelle Zélande, a demandé assistance à un chantier pour ensuite repartir hors course.

 

 

Pour Dominique Wavre le mot juste en question c'est "la bastaque principale"

 

Extrait du premier communiqué :

La bastaque principale du gréement s'est rompue durant la nuit

 

Ma réaction :

Ben je comprend pas tout il lui arrivé quoi exactement ? Je vois à peu près ce qu'est une bastaque mais c'est quoi une bastaque "principale" ? Bon en tout cas ça doit être sérieux si c'est la principale !

 

Extrait du second communiqué :

Plus tard en milieu d'après-midi, Dominique nous informait de la découverte des mêmes problèmes sur la bastaque principale bâbord et se remettait aussitôt au travail.

 

Ma réaction :

Ah ben ça alors, il y a une deuxième bastaque principale ? Comment c'est possible qu'il y ai 2 bastaques principales, en quoi la seconde bastaque est aussi principale que la première ? Bizarre ce truc, non ?

 

Et là je creuse pour comprendre ce truc sans queue ni tête qu'on aurait dû m'apporter sur un plateau plutôt que de rédiger des communiqués surréalistes ! Je révise donc : des bastaques il y en a 6 en tout sur Téménos (3 sur chaque bord). Des bastaques c'est des haubans qui tiennent le mat sur l'arrière et si ils parlent de principale c'est parce que c'est certainement celle qui tient le plus le mat celle qui est la plus haute des 3 bastaques du même bord.

 

 

Bref là encore on en dit trop ou pas assez. En tout cas vous conviendrez avec moi que c'est pas clair : utiliser l'adjectif 'principal' pour qualifier une bastaque qui lâche c'est bien pour faire peur mais ça n'aide pas du tout à comprendre l'avarie ! Et si c'est moi qui avais rédigé les communiqués vous auriez eu un cours complet sur le gréement dormant auquel personne n'aurait certainement rien compris non plus ! Trop ou pas assez il faut sans cesse trouve le juste milieu.

 

 

___

. Révision 1.0 du 24/01/2005 : ajout de la référence à la réparation de bôme de Patrice Carpentier qui n'a pas tenue

 

Publié dans Vendée Globe 2004

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O
Bonjour,<br /> On es tous et toutes heureux de vous avoir apporté un petit qqchose par nos réponses à votre "appel du blogger". Ca se voir que ça vous a fait plaisir et ben devinez quoi ? Nous aussi ça nous ferait plaisir de nous connaître un peu mieux entre afficcionados de votre blog. Alors un petit feed-back des réponses ? Rien de trop fouillé : combien nous sommes à avoir répondu, quelle est notre pratique de la navigation ? ... ?<br /> Et encore merci pour ce blog !
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